Le branding perd-il le contact avec la réalité ?

MODE AVION

Par Othmane Herri, co-fondateur, Directeur Créatif & CEO

J'adore Internet. Si vous regardez par-dessus mon épaule à mon bureau, il y a de fortes chances que vous me trouviez en train de sauter d'un onglet à l'autre, accumulant du contenu et tombant dans des trous de lapin. Internet est un outil incroyable. Il nous aide à accumuler des connaissances, à nous exprimer et à nous connecter avec les autres. Mais il nous transforme aussi en rats de laboratoire, tapant obsessionnellement sur des leviers pour obtenir des stimuli sociaux et intellectuels. Pas idéal.

L'industrie créative pense que rester à jour est crucial pour rester pertinent. Mais j'ai découvert que le contraire est vrai : être déconnecté me rend meilleur créatif. Dans une culture qui exige une mentalité toujours active, j'ai trouvé un pouvoir énorme en me libérant de la pression de rester informé.

Se déconnecter m'aide à réfléchir et à connecter les idées qui deviendront – espérons-le – des idées inattendues. Comme l'a dit le physicien américain Adam Frank : « il ne peut y avoir d'expérience du monde sans l'expérimentateur. Avant de faire des théories, il doit y avoir la présence d'être-dans-le-monde. »

Cette année, je m'efforce d'être dans le monde. Je prends du temps pour couper le bruit, fermer les onglets, supprimer les applications, m'asseoir et ne rien faire. La première partie consiste à se désengager de l'économie de l'attention ; l'autre partie consiste à se réengager avec le monde réel.

Alors, voici une année à résister à l'envie de saisir mon téléphone pendant les moments de calme. Voici une année à donner du repos à mes sens et à cultiver des moments pour penser et réfléchir, afin de surprendre mon cerveau.

VALORISER LES IMPERFECTIONS

« Le Wabi-Sabi est une philosophie qui trouve la beauté dans le cycle naturel de croissance, de décomposition et de mort. Il s'agit d'accepter les imperfections et la nature éphémère de la vie. »

Avec la démocratisation de l'IA, nous avons de plus en plus de mal à distinguer le vrai du faux. Que ce soit les fake news, les deep fakes, les filtres ou les maquettes, nous modifions constamment la réalité. Le Wabi-Sabi, une philosophie japonaise, embrasse l'imperfection, l'impermanence et la beauté du monde naturel. Il apprécie les défauts, les irrégularités et les asymétries qui émergent avec le temps. Appliquée à notre monde visuel, cette philosophie nous fait réévaluer notre relation avec la beauté et la perfection en contraste avec une approche plus humaine et authentique :

• Encourage une connexion avec l'expérience humaine, favorisant une réponse émotionnelle à l'imparfait. Il invite à la contemplation et à la réflexion.
• Les défauts contribuent à l'unicité et à l'authenticité d'un objet ou d'une expérience.
• S'inspire de la nature, valorisant les formes et matériaux organiques.
• Reconnaît la beauté du processus naturel de vieillissement et des cycles de la vie. Reflète une philosophie intemporelle qui a perduré pendant des siècles.
• S'aligne avec des pratiques durables en appréciant la longévité des matériaux et des objets, réduisant les déchets grâce à l'acceptation des imperfections.

AU-DELÀ DE LA PERFORMANCE

Par Omar Herri, co-fondateur, Directeur Digital & Directeur Général

En 2025, je crois que les marketeurs vont se concentrer sur la construction d'une marque solide, avec un marketing stratégique et un storytelling authentique. Ce pivot marquera un départ des likes sur les réseaux sociaux, en reconnaissant leur nature superficielle et leur incompatibilité avec la construction d'un héritage commercial durable.

Le marketing de performance restera important, mais il sera repositionné pour compléter les stratégies centrées sur la marque plutôt que de servir de fondation. Dans un paysage numérique éphémère, les marques qui réussiront seront celles qui intègrent leur raison d'être, leur histoire et leurs valeurs dans chaque facette de leur existence.

Avec des perspectives économiques incertaines et l'attention des consommateurs en baisse, les marketeurs devront investir dans des initiatives qui résonnent profondément avec leur public, favorisent une loyauté et un engagement à long terme. Cela garantira que leur marque non seulement survive, mais prospère.

Je dis "Adieu aux likes, bonjour à l'héritage".

MYCÉLIUM

"Je vois le mycélium comme l'Internet naturel de la Terre," déclare le mycologue Paul Stamets. Le mycélium, ce réseau de racines de champignons – une vaste toile de filaments – connecte et partage tout, à l'image de notre monde numérique.

L'année dernière, la communauté du logiciel a vu le plus grand nombre de nouveaux contributeurs open-source sur GitHub. Cette année, j'anticipe une poursuite de la collaboration communautaire dans la tech. L'open-source désigne des logiciels dont le code source est accessible au public, permettant à quiconque de le consulter, l'utiliser, le modifier et le distribuer librement sans frais. En 2014, Tesla a rendu tous ses brevets open-source. Pas comme un mouvement radical, mais comme une continuation de la pratique open-source, encouragée et ancrée dans la communauté tech. L'esprit open-source repose sur la promotion de la croissance communautaire et collective.

Le réseau mycélien est une économie partagée, qui prospère non pas par la cupidité mais par la nurturance. Il distribue et partage les ressources à travers tout son réseau. S'assurant que ses voisins sont bien nourris en eau et en nourriture pour qu'ils puissent prospérer ensemble. Une vision poétique et une promesse pour l'avenir de l'open-source. Que cette année soit remplie de sagesse partagée et de culture coopérative, à l'image d'un réseau fongique interdépendant et en constante expansion.

L'IA sera partout, et nous sommes déjà habitués à l'esthétique "parfaite" qu'elle produit. Même dans le monde du branding, où l'on attend encore des humains qu'ils conçoivent, nous avons tendance à ressembler à ce monde parfait créé par l'IA.

Plus de hasard ni d'accidents, les projets et les agences se ressemblent et peinent à trouver leur voie tout en attirant leur audience.

Je pense que beaucoup de gens voient cela et commencent à ressentir une lassitude envers la créativité. Comment pouvons-nous changer, comment pouvons-nous restaurer l'intérêt pour la substance de notre création ? Comment pouvons-nous éviter de suivre les tendances et tracer notre propre chemin ?

Un monde sans imperfections ne représente pas la réalité et n'ajoute pas de valeur à nos vies. Si nous mettons en avant tout ce qui nous différencie de l'IA : diversité, collaboration, questionnement, adaptation, débat, émotion, compromis, erreurs, peut-être pourrons-nous redécouvrir la créativité et créer des environnements de travail désirables.

Ajouter de la diversité à l'équipe créative ? Redécouvrir la dimension tactile du monde réel dans le monde numérique ? Mettre en valeur l'aspect brut et inachevé d'une image ?